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tendre et que revêt une sorte de léger duvet d’une délicatesse extrême. Dans les saisons très humides les dindons sont rares, parce qu’une fois complétement mouillés, les jeunes en reviennent difficilement. Aussi, pour prévenir les effets désastreux de la pluie, la mère, en médecin habile, a-t-elle soin de détacher les bourgeons du faux benjoin[1] et de les leur donner.

Au bout d’une quinzaine environ, les jeunes quittent le sol où ils étaient toujours restés jusque là, et s’envolent à la nuit sur quelques basses branches très grosses pour s’y abriter, en se partageant, de chaque côté, en deux parts à peu près égales, sous les ailes profondément recourbées de leur bonne et tendre mère. Ensuite ils quittent le bois pendant le jour et s’approchent des clairières naturelles ou des prairies. Là ils trouvent abondance de fraises, de mûres sauvages et de sauterelles, et prospèrent sous la bienfaisante influence des rayons du soleil. Ils aiment aussi à se rouler dans les fourmilières abandonnées pour débarrasser le tuyau de leurs plumes naissantes, des pellicules écailleuses prêtes à se détacher, et se préserver de l’attaque des tiques et des autres insectes qui ne peuvent souffrir l’odeur de la terre où ont logé des fourmis.

Maintenant, les jeunes dindons croissent rapidement ; ils peuvent s’élever promptement de terre à l’aide de leurs fortes ailes, et en gagnant avec facilité les plus hautes branches, se garantir eux-mêmes des attaques imprévues du loup, du renard, du lynx, et même du

  1. « Spice-Wood-Bushes. » (Laurus benzoin, Linn.)