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pas seulement, et je la vis se lever à moitié sur ses jambes, jeter sur ses œufs un regard inquiet, glousser d’un ton qui lui est particulier dans de telles occasions, éloigner soigneusement chaque coquille à moitié vide, puis, avec son ventre, caresser et sécher les nouveaux-nés qui, tout chancelants encore, cherchaient à se tenir debout et à faire déjà leur chemin hors du nid. Oui, j’ai vu tout cela et j’ai laissé la mère et ses petits aux soins de celui qui leur avait donné la vie, qui m’a créé moi-même, et qui, bien mieux que moi, devait subvenir à leurs besoins ! Je les ai vus tous sortir de la coquille, et une minute après, roulant, culbutant, se pousser l’un l’autre en avant, par un instinct admirable, et dont nul ne peut scruter le mystère.

Avant de quitter le nid, en compagnie de sa jeune couvée, la mère se secoue brusquement, épluche, rajuste ses plumes autour du ventre, et prend un aspect tout différent. Elle incline alternativement les yeux en l’air et de côté, allongeant le cou pour s’assurer s’il n’y a pas dans le voisinage de faucon ou d’autre ennemi ; puis, les ailes entr’ouvertes, elle se met en marche tout doucement, et glousse à petit bruit, pour maintenir son innocente progéniture bien auprès d’elle. Comme c’est dans l’après-midi que l’éclosion a lieu d’ordinaire, la couvée revient souvent au nid, mais pour y passer la première nuit seulement. Après cela, ils commencent à s’aventurer plus au loin et se tiennent sur les terrains élevés et onduleux ; car la mère craint beaucoup la pluie pour sa jeune famille encore si