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me parlant à moi-même, et la femelle restait parfaitement tranquille, au lieu que si je voulais m’avancer vers elle avec précaution, elle ne me laissait jamais approcher même jusqu’à vingt pas. J’étais sûr alors de la voir se lever d’un trait ; la queue étendue et pendant d’un côté, elle courait à une distance de vingt ou trente verges ; puis là, reprenant contenance et d’un pas superbe, elle se mettait à se promener comme si de rien n’était, en gloussant seulement de temps à autre. Rarement elle abandonne son nid, lors même que quelqu’un l’a découvert ; mais j’ai lieu de croire que jamais elle n’y retourne quand un serpent ou un autre animal a sucé de ses œufs ; s’ils ont été tous détruits ou emportés, elle appelle de nouveau après un mâle, quoique en général elle n’élève qu’une seule couvée par saison. Plusieurs poules s’associent quelquefois, et cela, je pense, pour leur mutuelle sûreté : elles déposent leurs œufs dans le même nid et élèvent ensemble leurs petits ; une fois j’en trouvai trois qui couvaient sur quarante-quatre œufs. Dans ces circonstances, le nid est constamment gardé par l’une des femelles, de sorte que ni corneille, ni corbeau, ni peut-être même la fouine n’osent en approcher.

La femelle ne quitte jamais les œufs quand ils sont près d’éclore ; aucun péril ne peut l’y déterminer tant qu’il lui reste vie. Elle souffrira même qu’on l’entoure, qu’on l’emprisonne, plutôt que de les abandonner. Un jour je fus témoin d’une éclosion de petits dindons ; j’avais guetté le nid dans l’intention de m’emparer des jeunes avec la mère. Je me cachai contre terre à quelques