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confortable, nous nous étendîmes devant un large foyer que nos mains venaient de construire ; et bientôt, nous pûmes nous dire, avec une douce jouissance, qu’il ne dépendrait que de nous d’y faire un bon somme.

De grand matin, nous étions debout et sur la trace d’un élan qui, la veille, avait été chassé de son gîte, ou plutôt de sa remise, par les Indiens. La neige avait cinq pieds d’épaisseur et beaucoup plus en de certains endroits, et il nous fallut faire plus de trois milles pour trouver le lieu où le gibier avait passé la nuit. Depuis une heure environ il en était parti, quand nous y arrivâmes ; force était donc de nous lancer à sa poursuite, mais avec l’espoir de bientôt l’atteindre. Toutefois un crochet soudain qu’il fit, ne tarda pas à nous jeter hors de la voie ; et quand nous la retrouvâmes, un Indien avait pris les devants et s’était attaché aux pas de l’animal harassé. Peu de temps après, un coup de feu retentit et nous courûmes : l’élan blessé se trouvait acculé dans un fourré, où nous l’achevâmes. Se sentant serré de trop près, il s’était retourné contre l’Indien qui, après lui avoir lâché son coup de fusil, n’avait eu rien de plus pressé que de gagner les broussailles et de s’y cacher. Il était âgé de trois ans, et par suite loin d’avoir atteint toute sa taille, quoiqu’il eût déjà près de six pieds et demi de haut.

On a peine à concevoir comment, par une neige aussi épaisse, un animal peut aller de ce train. Celui dont je parle avait, pendant quelque temps, suivi le cours d’un ruisseau au-dessus duquel, à cause de la température plus élevée de l’eau, la neige s’était con-