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d’un côté, c’est le bétail qui, sauvage et entêté, quitte à tous moments la route pour les bois, et donne un mal infini aux pauvres émigrants ; là se rompt un harnais qu’il est indispensable de raccommoder sur-le-champ ; ailleurs un baril est tombé par mégarde, et il faut courir après, car ils ont besoin de faire attention à ne rien perdre du peu qu’ils possèdent. Les routes sont affreuses ; plus d’une fois toutes les mains sont requises pour prendre à la roue, ou pour empêcher la charrette de verser. Enfin, au coucher du soleil, ils ont fait environ vingt milles. Fatigués, ils s’assemblent autour d’un feu qu’on a eu souvent grand’peine à allumer ; le souper est préparé ; on dresse une sorte de camp, et c’est là qu’ils passent la nuit.

Des jours et des semaines, que dis-je ? des mois d’un labeur incessant s’écoulent, et ils ne voient pas encore le but de leur voyage. Ils ont traversé les deux Carolines, la Géorgie et l’Alabama ; ils sont en route depuis le commencement de mai jusqu’à celui de septembre, et c’est le cœur serré qu’ils traversent l’État du Mississipi. Mais arrivés maintenant sur les bords du large fleuve, ils contemplent, dans l’étonnement, la sombre profondeur des bois qui les environnent ; ils voient des bateaux de toutes dimensions qui se laissent glisser au courant, tandis que d’autres le remontent avec de pénibles efforts. Ils vont demander assistance aux plus prochaines habitations ; et à l’aide des bateaux et des barques qu’on leur prête, ils traversent tous à la fois le Mississipi, et choisissent le lieu où ils veulent s’établir.