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de gigantesques cyprès, allongeant leurs bras noueux et moussus, comme pour avertir l’imprudent chasseur prêt à s’y aventurer que là-bas, là-bas, dans leurs inaccessibles profondeurs, ses pas ne rencontreront plus qu’énormes branches qui se projettent à la traverse, troncs massifs tombés et pourrissants, parmi d’innombrables espèces de plantes qui rampent, grimpent et s’enchevêtrent en tous les sens ; il faudrait vous faire bien comprendre les dangers de ce terrain perfide, la nature spongieuse de ces bourbiers que cachent traîtreusement de magnifiques tapis de verdure, des riches mousses, des glaïeuls et des lis d’eau, et qui, dès qu’on y pose le pied, s’enfoncent et mettent en danger la vie du voyageur. Çà et là le malheureux croit apercevoir une clairière ; mais ce n’est qu’un lac d’eau noire et croupissante, et son oreille est assaillie par l’affreux coassement d’une légion de grenouilles, par le sifflement des serpents et le mugissement des crocodiles. Il faudrait enfin vous faire respirer ces exhalaisons pestilentielles et suffocantes, alors que, dans les jours caniculaires, un soleil de midi échauffe ces horribles marais ! Mais ce n’est rien que de parler de pareilles scènes ; la plume ni le pinceau ne sauraient en donner une idée à qui ne peut les voir.

Quelle différence pourtant, dans les rôles assignés à chacun de nous, ici-bas ; quelle diversité dans les aptitudes et les goûts ! c’est ce que je me suis dit bien souvent, lorsque, voyageant dans des pays fort éloignés de ceux où l’on vend, sous forme de peaux desséchées, des oiseaux de cette espèce et d’autres non moins diffi-