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ressemblant pas mal à une cour de ferme encombrée de foin, de charrues, de charrettes, enfin de tous les ustensiles du labourage, avec beaucoup d’autres encore parmi lesquels figurait dignement le rouet des matrones ; vous ont-ils dit que ces masses flottantes jusqu’aux flancs desquelles on avait accroché les roues des différents véhicules épars sur le pont, portaient tout le petit avoir de chaque famille, et que les pauvres émigrants n’osaient les mettre en mouvement que la nuit, dans les plus noires ténèbres, en cherchant à tâtons leur route, et se refusant les douceurs du feu et de la lumière, de peur que l’ennemi qui les guettait du rivage ne se précipitât sur eux pour les détruire ; vous ont-ils dit qu’à la fin d’un aussi long et périlleux voyage, les nouveaux colons n’avaient d’abord d’autre habitation que ces bateaux sombres et humides ? Non sans doute, ce n’était pas la peine de vous entretenir de pareils détails ; les voyageurs qui visitent notre pays ont bien d’autres choses en tête !

Quant à moi, mon intention n’est pas de vous faire assister aux affreuses scènes de carnage où ne se signalèrent que trop souvent les différents partis des blancs et des peaux-rouges, tandis que les premiers descendaient l’Ohio. D’abord, je ne me suis toujours senti qu’un très médiocre goût pour les batailles ; et en vérité, je souhaiterais, de tout mon cœur, que le monde eût des inclinations un peu plus pacifiques. Je n’ajouterai qu’un seul mot : c’est que, d’une manière ou d’une autre, les anciens possesseurs de la terre se virent contraints de quitter le Kentucky.