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mière étreinte ; tantôt, d’un coup bien appliqué d’une de ses pattes de devant, vous en envoyant un autre brailler au loin d’une façon si piteuse, qu’on pouvait dès lors le regarder comme hors de combat. L’un des assaillants, plus rude que les autres, avait sauté au nez de l’ourse et y restait bravement pendu ; tandis qu’une douzaine de ses camarades faisaient rage à son derrière. L’animal, rendu furieux, roulait autour de lui des regards altérés de vengeance ; et nous, de peur d’accident, nous songions à en finir lorsque, tout à coup et avant que nous pussions tirer, d’un seul bond il se débarrasse de tous les chiens et charge contre l’un des nègres qui était monté sur un cheval pie. L’ourse saisit le cheval avec ses dents et ses griffes, et se colle contre son poitrail ; le cheval, épouvanté, se met à renifler bruyamment et s’abat. Le nègre, jeune homme d’une force athlétique et excellent cavalier, avait gardé la selle qui ne consistait pourtant qu’en une simple peau de mouton, mais heureusement bien sanglée, et il priait son maître de ne pas faire feu. Nonobstant tout son sang-froid et son courage, nous frémissions pour lui, et notre anxiété redoubla quand nous vîmes homme et cheval rouler ensemble sur la poussière. Mais ce ne fut que l’affaire d’un instant ; Scipion s’y était pris en maître avec son redoutable adversaire : d’un seul coup de sa hache, bien assené, il lui avait fendu le crâne ! Un sourd et profond grognement annonça la mort de l’ourse ; et déjà le vaillant nègre était sur ses pieds, triomphant et sain et sauf.

L’aurore commençait à poindre ; nous continuâmes