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chiens de toute espèce ; et c’est dans cet équipage que nous nous mîmes en marche pour le champ isolé au milieu duquel les ours étaient bravement à la besogne. Chemin faisant, le propriétaire nous dit que, depuis plusieurs jours déjà, quelques-uns de ces animaux rendaient visite à son blé ; un nègre qu’il envoyait chaque après-midi, pour voir de quel côté ils entraient, l’avait assuré que, cette même nuit, il y en avait au moins cinq dans l’enclos. On convint d’un plan d’attaque : les barreaux à la brèche ordinaire, devaient être mis tout doucement par terre ; et de là, hommes et chiens, après s’être partagés, s’avanceraient pour cerner les ours ; enfin, au son de nos cornes, on chargerait de toutes parts, vers le centre du champ, en criant et faisant le plus de tapage possible ; ce qui ne pouvait manquer d’effrayer tellement les animaux, qu’ils s’empresseraient de chercher un refuge sur les arbres morts dont le champ était en partie couvert.

Notre plan réussit : les cornes sonnèrent, nos chevaux partirent au galop, les hommes se mirent à crier, les chiens à aboyer et à hurler. Les nègres à eux seuls faisaient assez de vacarme pour épouvanter une légion d’ours. Aussi ceux qui étaient dans le champ commencèrent-ils à détaler ; et quand nous nous rencontrâmes au milieu, nous les entendîmes qui grimpaient en tumulte vers la cime des arbres. On fit immédiatement allumer de grands feux par les nègres ; la pluie avait cessé, le ciel s’était éclairci, et l’éclat de ces flammes pétillantes nous fut d’un grand secours. Les ours avaient été pris d’une telle panique, que nous pûmes en aper-