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tronc, puis promenant ses regards tout autour de lui pour s’assurer qu’il n’y a pas là d’ennemis. Quand il a pris ainsi toutes ses précautions, il se dresse sur ses jambes de derrière, s’approche du tronc, l’embrasse de ses jambes de devant, et avec ses dents et ses griffes commence à racler l’écorce. Ses mâchoires claquent fortement l’une contre l’autre, bientôt de gros flocons d’écume lui coulent de chaque côté de la gueule, et au bout de quelques minutes il se remet à rôder, comme auparavant.

Sur plusieurs points du pays, des habitants des bois et des chasseurs qui l’ont surpris occupé à cette singulière manœuvre, s’imaginent qu’il n’a en cela d’autre but que de laisser après lui des traces manifestes de sa grandeur et de sa force : ils mesurent la hauteur à laquelle portent les coups de griffes, et peuvent, en effet de cette manière, se rendre compte de la taille de l’animal. Mais mon opinion, à moi, est différente : il me semble que, si l’ours s’attaque ainsi aux arbres, ce n’est pas pour faire montre de sa puissance, mais simplement pour s’aiguiser les dents et les griffes, et se mettre en état de rencontrer un rival de sa propre espèce, quand viendra la saison des amours. N’est-ce donc pas pour cela que le sanglier d’Europe fait aussi claquer à grand bruit ses défenses et creuse la terre du pied, et que le daim et le cerf frottent leurs andouillers contre la tige des jeunes arbres et des arbrisseaux ?

Une nuit, je dormais sous le toit d’un de mes amis, lorsque je fus subitement réveillé par un esclave nègre qui portait une lumière et me remit un billet que son