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avec elle, que l’un et l’autre cas n’est pour moi qu’un simple incident, déterminé par leurs plaisirs ou leurs besoins.

Ici je veux vous rapporter un de ces faits, curieux en soi, qu’ordinairement on attribue à l’instinct, mais que moi je ne puis considérer comme appartenant à un semblable mobile, parce qu’il me paraît toucher de trop près à la raison ; et s’il me plaisait de lui donner ce dernier nom, vous ne me condamneriez pas, j’espère, avant d’avoir vous-même considéré le sujet sous un point de vue plus général.

Pendant une de ces fortes rafales qui, au commencement de l’été, se déchaînent si fréquemment dans la Louisiane, je vis une troupe de vautours accomplir une singulière manœuvre : assurément ils avaient deviné que le courant qui déchirait tout au-dessus d’eux, ne consistait qu’en une simple nappe d’air ; car ils s’élevèrent obliquement à l’encontre, avec une grande puissance, et glissant à travers l’impétueux tourbillon, parvinrent à le surmonter, pour reprendre, au-dessus de lui, leur course paisible et élégante.

On doit également remarquer, dans ces oiseaux, la faculté que leur a donnée la nature de discerner le moment où un animal blessé va mourir. Dès qu’ils en aperçoivent quelqu’un assailli par le malheur, ils s’attachent à lui, le suivent sans relâche, jusqu’à ce que, la vie l’ayant tout à fait abandonné, ils n’aient plus qu’à fondre sur leur proie. Un vieux cheval accablé de misère, un bœuf, un daim embourbé au bord du lac où le timide animal s’est enfoncé, pour échapper aux