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vaises herbes, pour avoir dans ma jeunesse méprisé leurs nombreuses réprimandes. — Tu vas frémir… Vois-tu ces mains, à présent sans force ? Eh bien ! elles ont assassiné la mère qu’elles avaient tenue embrassée ! Oui, je le sens, j’ai mérité les tortures de l’affreuse mort qui me menace ; une chose me console, c’est qu’un seul être de mon espèce soit témoin de mes dernières convulsions.

Une douce mais faible espérance de pouvoir encore le sauver et lui aider à obtenir son pardon m’engagea à le presser sur le même sujet. — Non ! tout cela est inutile ; je ne cherche pas à lutter contre la mort… du moins, les scélérats qui m’ont blessé ne se vanteront pas de m’avoir vaincu… Je n’ai besoin du pardon de qui que ce soit…, donnez-moi un peu d’eau, et laissez-moi mourir seul.

Dans l’intention d’apprendre de lui quelque chose qui pût mettre sur la voie pour arriver à la capture de ses coupables associés, je retournai chercher de l’eau à la crique, et en rapportai une seconde fois plein mon chapeau. Étant parvenu à l’introduire presque toute dans sa bouche desséchée, je le suppliai, au nom de sa paix future, de me raconter son histoire. C’est impossible, me répondit-il, je n’aurais pas le temps. Les battements de mon cœur me le disent : quand le jour reviendra, il y aura longtemps que ces jambes nerveuses seront sans mouvement ; à peine me restera-t-il une goutte de sang dans le corps, et ce sang, à quoi va-t-il servir ? tout bonnement à faire pousser l’herbe ! Mes blessures sont mortelles ; je mourrai, je veux