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dans un marais voisin, ne devaient que mieux y bercer mon sommeil ; et des troupes de merles, que je voyais s’y rassembler, me promettaient des compagnons dont je n’avais rien à craindre, dans cette retraite, si loin de tous les regards.

Je remontais un petit ruisseau, pour mettre par précaution mon canot à couvert d’un grain subit, et j’avançais gaiement, lorsque tout à coup une belle yole s’offrit à ma vue. Surpris d’une telle rencontre dans ces parages à peine connus, je sentis comme un frisson me passer dans tous les membres ; mon sang s’arrêta, la pagaie me tomba des mains, et ce ne fut pas sans une véritable épouvante, qu’en la ramassant je tournai la tête vers le bateau mystérieux. M’en étant lentement approché, il me sembla voir ses flancs marqués de taches de sang ; oui, c’était bien du sang ! Je jetai un regard plein d’anxiété par-dessus les plats-bords, et j’aperçus deux cadavres ! Des pirates, j’en étais convaincu, ou des Indiens ennemis, avaient commis ce crime. Un sentiment d’horreur s’empara de moi, mon cœur battait, battait, puis restait comme glacé sous le poids d’une terreur inaccoutumée ; et c’était avec consternation et désespoir que je regardais vers le soleil prêt à se coucher.

Combien de temps restai-je plongé dans mes sombres réflexions ? Je ne puis le dire ; seulement, ce que je me rappelle, c’est que j’en fus tiré par de sourds

    vorace, qu’elle mange les jeunes canards, quoique défendus par leur mère.