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sation avec moi. Il avait fait autrefois une rude guerre aux tortues ; de plus, il avait été un grand chasseur, et malgré son humble naissance et des prétentions modestes, l’énergie et le talent secondés par l’éducation l’avaient élevé à un poste plus convenable. Un tel homme ne pouvait manquer d’être un agréable compagnon. Nous parlâmes de divers sujets, et principalement, vous pouvez le croire, d’oiseaux et autres productions de la nature. Il me dit qu’une fois il avait eu une aventure très désagréable, en cherchant du gibier dans une certaine baie du golfe du Mexique. Je lui demandai de vouloir bien me la raconter, et sans se faire prier, il m’en rapporta les détails suivants. Je vous les transmets dans des termes qui ne seront peut-être pas exactement les siens ; mais je tâcherai, du moins, qu’ils s’en rapprochent le plus possible.

« C’était vers le soir d’une paisible journée d’été ; je me trouvais pagayant le long d’un rivage sablonneux qui me parut très convenable pour m’y reposer, au milieu des grandes herbes dont il était couvert ; et comme le soleil n’était plus qu’à quelques degrés au-dessus de l’horizon, il me tardait de planter ma tente, ou plutôt mon filet contre les moustiques, et de passer la nuit dans ce désert. Les cris assourdissants de milliers de grenouilles mugissantes[1] que j’entendais

  1. Bull-frog. Grenouille mugissante (Rana ocellata, Lin.). La plus grande des espèces connues, puisqu’elle a souvent huit pouces de long. On compare son mugissement à celui du taureau ; d’où son nom. Ses sauts, sur un terrain uni, sont de six à huit pieds ; elle est si