Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rain même où il est récolté, on fait des tas de ces épis ; puis on les charrie dans la grange, à moins que, comme c’est en général le cas dans cette partie du Kentucky, on ne les mette simplement sous une espèce de hangar couvert de ces longues feuilles en forme de lance, qui pendent du chaume en courbes gracieuses et qui, lorsqu’elles sont arrachées et séchées, tiennent lieu de foin pour la nourriture des chevaux et du bétail. L’enveloppe consiste en quelques feuilles épaisses, plus longues que l’épi et qui le protégent. Maintenant, quand des mille boisseaux de blé sont ainsi ramassés en tas, on conçoit que ce n’est pas une petite besogne que d’éplucher l’épi. Aussi, et comme je l’ai dit, plus spécialement dans l’ouest, plusieurs familles de voisins conviennent-elles de se réunir alternativement sur les plantations les unes des autres, afin de s’entraider à le débarrasser de ces enveloppes, et à préparer le grain pour le marché ou les usages domestiques.

Les bonnes gens que nous rencontrâmes dans cette hospitalière demeure, partaient justement pour la grange (le fermier étant ici plutôt à son aise qu’autrement), afin d’y travailler jusque vers le milieu de la nuit. Lorsqu’on nous eut suffisamment considérés et examinés, sorte d’inspection qu’il faut que se résigne à subir tout nouveau venu, n’importe où, même dans un salon, nous pûmes enfin nous approcher du feu… Pouah ! quel régal pour les nez de l’honorable société : la fiente du putois que l’air froid du soir avait durcie et rendue inodore sur les habits de mon camarade, recouvra bientôt tout son parfum. Le manteau fut mis