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gibier. Il avance encore, mais lentement, lentement ; enfin, le voilà sur le penchant de cette éminence qu’éclaire le soleil dans toute la pompe de son réveil… Voyez, voyez, il prend son fusil, découvre la platine, nettoie avec sa langue le tranchant de la pierre ; maintenant il se tient debout et fixe comme une statue ; peut-être mesure-t-il la distance entre lui et le gibier qu’il couve de l’œil ; puis sa carabine se relève tout doucement, le coup part, et le voilà qui court ! courons aussi… Lui parlerai-je, pour lui demander comment a réussi son début ? Certes oui, car c’est une de mes vieilles connaissances.

« Eh bien ! l’ami, qu’avons-nous tué ? (lui dire : qu’avons-nous tiré ? ce serait supposer qu’il a pu manquer, et risquer de le mettre en colère) — Ah ! pas grand’chose, un daim. — Et où est-il ? — Ah ! il a voulu faire encore un ou deux sauts ; mais il n’est pas loin, je l’ai trop bien touché ; ma balle a dû lui traverser le cœur. »

Nous arrivons au lieu où l’animal s’était mollement couché parmi les herbes, sous un bosquet de vignes d’où pendent les grappes enlacées aux branches du sumac et des sapins touffus. C’est là que, dans un doux repos, il espérait passer le milieu du jour ! La place est couverte de sang, ses sabots se sont profondément enfoncés dans le sol, lorsqu’il bondissait dans l’agonie de la douleur. Mais le sang qui lui dégoutte du flanc trahit le chemin qu’il a pris. Enfin le voilà, gisant sur la terre, la langue pendante, les yeux éteints, sans mouvement, sans souffle… il est mort ! Alors le chasseur