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beaucoup d’amateurs pour la maturation de certains vins serrés dans leurs celliers. Ils y étaient déjà plusieurs années avant le commencement de mon ouvrage ; et ils ne seront cependant considérés comme ayant acquis tout leur bouquet que nombre d’années après que, moi, je serai arrivé à la conclusion des « Oiseaux d’Amérique ».

Depuis que j’ai fait la connaissance de M. Alexandre Wilson, le célèbre auteur de l’ouvrage bien connu et justement estimé sur les oiseaux d’Amérique, et plus récemment, celle de mon excellent ami Charles Lucien-Bonaparte, j’ai pu juger avec quelle avidité jalouse, entre confrères en histoire naturelle, chacun se jette à décrire le moindre objet de ses propres découvertes, ou celles que les voyageurs ont eu la chance de faire dans de lointains pays. On semble mettre, à agir ainsi, un tel point d’honneur, une telle gloriole, qu’on laisse volontiers de côté toute autre considération : et je crois, en vérité, que les liens même de l’amitié n’empêcheraient pas certains naturalistes de voler, oui, de voler à de vieilles connaissances, le mérite de décrire les premiers un objet encore inconnu. Certainement, je ne nierai pas le vif plaisir que j’éprouvais, lorsque venant à m’emparer d’un oiseau, je m’apercevais qu’il était, pour moi, d’une espèce nouvelle ; mais ce sentiment auquel je viens de faire allusion, pour ma part, je ne l’ai jamais connu[1]. Telle est encore aujourd’hui

  1. L’illustre Réaumur, qui, lui aussi, savait tout ce que vaut une découverte en histoire naturelle, disait, longtemps avant Audubon :