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se tenait l’aigle, les yeux étincelants et fixés sur les miens, aussi vivant, aussi vigoureux que jamais ! Sur-le-champ, je refermai toutes les ouvertures, me remis en sentinelle à la porte, et vers minuit, n’entendant pas le moindre bruit, je revins donner un coup d’œil à ma victime. Il semblait n’avoir pas plus de mal qu’auparavant, et cependant, mon fils et moi, nous ne pouvions déjà plus tenir dans le cabinet ; et même, dans l’appartement voisin, la respiration commençait à devenir difficile. Je persévérai néanmoins et j’attendis en tout dix heures ; enfin, voyant que la fumée de charbon ne produisait pas l’effet désiré, je me décidai à gagner mon lit, fatigué et très mécontent de moi.

Le lendemain, de bonne heure, j’essayai encore du charbon, auquel j’ajoutai quantité de soufre ; mais, en quelques heures, nous étions tous chassés de la maison par des vapeurs étouffantes, tandis que lui, le noble oiseau, restait toujours debout, nous lançant des regards de défi, chaque fois que nous nous hasardions à approcher du lieu de son martyre. Quant aux applications internes, sa fière contenance nous les interdisait expressément. De guerre lasse, il me fallut en venir à un moyen auquel on n’a recours qu’à l’extrémité, mais qui est infaillible : je lui plongeai une longue pointe d’acier dans le cœur…, et il tomba, mon orgueilleux prisonnier, mort sur le coup, sans un mouvement, sans même qu’il se fût dérangé une seule de ses plumes.

J’employai presque la totalité d’un autre jour à l’esquisser, et je travaillai si assidûment pour en achever le dessin, que cela faillit me coûter la vie : je fus subi-