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souvent fendue de part en part. — Quand elle n’est pas troublée, la pie-grièche déchire le corps par lambeaux, n’en laisse rien que les ailes et l’avale par gros quartiers, qu’elle n’a même qu’en partie plumés. Quelquefois elle poursuit à une distance considérable des oiseaux qui sont en plein vol : ainsi j’en vis une qui donnait la chasse à une tourterelle, et celle-ci, sur le point d’être prise, plongea vers le sol, où son crâne fut en un instant brisé. Mais aussi, l’instant d’après, l’une et l’autre étaient en ma possession.

Son courage, son activité et sa persévérance sont véritablement étonnants. J’ai su qu’en hiver, quand il y a pénurie d’insectes et que, dans les États de l’est, les oiseaux sont rares, elle entre dans les villes et attaque ceux qu’elle peut atteindre jusque dans leurs cages. Pendant mon séjour à Boston, on m’en apporta plusieurs qui avaient été prises dans des appartements où l’on gardait ainsi des canaris en cage, et chaque fois le petit favori avait été massacré. Près de la même ville, j’en observai une qui, pendant plusieurs minutes de suite, restait comme immobile sur ses ailes, à la manière d’un épervier ; elle planait au-dessus d’herbes sèches et de joncs qui couvraient des marais salants, puis fondait subitement sur quelque petit oiseau qu’elle venait de voir y chercher un refuge.

Ses pieds sont petits et, en apparence, faibles ; mais elle est armée de griffes aiguës qui peuvent infliger de cruelles blessures au doigt ou à la main. Elle mord avec une grande opiniâtreté, et ordinairement ne lâche prise que lorsqu’on la serre à la gorge.