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lui recommandant bien de veiller avec la plus grande attention à ce qu’il ne leur arrivât aucun dommage. Mon absence dura plusieurs mois ; et quand je fus de retour, après avoir consacré quelques jours aux douceurs de la famille, je m’informai de ma boîte, et de ce qu’il me plaisait d’appeler mon trésor. La boîte fut apportée, je l’ouvris… Ah ! lecteur, mettez-vous à ma place : un couple de rats de Norwége avait tranquillement élevé sa petite famille parmi les débris rongés de ce papier qui, naguère encore, représentait des centaines d’habitants de l’air ! Une chaleur brûlante me traversa le cerveau comme un trait ; je me sentis défaillir, tout mon système nerveux était atteint. Je souffris plusieurs nuits d’insomnie complète, et mes jours passaient comme des jours d’insensibilité et d’oubli. À la fin, les pouvoirs animaux se réveillant, grâce à la force de ma constitution, je pris mon fusil, mon album, mes crayons, et me replongeai dans mes bois aussi gaiement qui si rien ne me fût arrivé. Je sentais même, avec bonheur, que maintenant je pourrais faire bien mieux ; et trois années ne s’étaient pas écoulées que mon portefeuille était de nouveau rempli.

L’Amérique était mon pays, c’est d’elle que m’étaient venues toutes mes jouissances ; aussi ne me préparai-je à la quitter qu’avec un profond chagrin. Mais j’avais vainement essayé de publier mes illustrations aux États-Unis : à Philadelphie, le principal graveur, de Wilson, entre autres, avait déclaré à mes amis que jamais mes dessins ne pourraient être gravés ; à New-York, nou-