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me figurais mes travaux se multipliant sous le burin du graveur. Heureux jours, nuits de songes fortunés ! Je repassai le catalogue de mes collections, et me mis à réfléchir comment il serait possible, pour un individu sans relations et sans appui, tel que je l’étais, de mener à bien un si grand projet. Le hasard, le hasard seul avait partagé mes dessins en trois classes différentes, d’après les dimensions des objets qu’ils représentaient. À la vérité, je n’avais pas en ce moment tous les spécimens nécessaires ; cependant je les distribuai aussi bien que je pus, par cahiers de cinq planches, dont chacune maintenant fait partie de mes illustrations. Je retouchai et amendai le tout de mon mieux ; et, m’éloignant chaque jour de plus en plus des demeures de l’homme, je résolus de ne négliger rien de ce que mon travail, mon temps ou mon argent pourraient accomplir.

Un accident arrivé à deux cents de mes dessins originaux, faillit couper court à mes recherches ornithologiques. Je veux vous le raconter, simplement pour vous montrer jusqu’à quel point l’enthousiasme — puis-je appeler d’un autre nom ce zèle infatigable avec lequel je travaillais — peut dominer l’observateur de la nature, et le rendre capable de surmonter les plus rebutants obstacles. Je quittai le village de Henderson, dans le Kentucky, sur les bords de l’Ohio, où je demeurais depuis plusieurs années, ayant besoin d’aller à Philadelphie pour affaires. Avant de partir j’eus soin de mettre en sûreté tous mes dessins ; je les plaçai dans une caisse de bois, et les donnai en garde à un parent,