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roulait le long de ces rivages hardis et souvent d’une magnifique grandeur. Des portions de ces terres reculées apparaissaient couvertes d’une végétation luxuriante et de beaucoup supérieure à celle des régions que nous venions de quitter ; dans quelques vallées, je crus même distinguer des arbres d’une hauteur moyenne. Le nombre des habitations croissait rapidement ; sur les vagues des baies que nous dépassions dansaient des flottilles de petits navires et de bateaux. Là se dressait un bord escarpé qui semblait être la section d’une grande montagne dont l’autre moitié s’était enfoncée et perdue dans les profondeurs de la mer, tandis qu’à sa base bouillonnait le flot, terreur du marinier. Ces énormes masses de roc brisé remplissaient mon âme d’une religieuse terreur ; je me demandais quelle puissance continuait à soutenir d’aussi gigantesques fragments, de tous côtés suspendus comme par enchantement, au-dessus de l’abîme, et attendant ainsi le moment d’écraser par leur chute l’équipage impie de quelque vaisseau de pirate ; plus loin, des montagnes aux croupes doucement arrondies élevaient leur tête vers le ciel, comme aspirant à monter encore pour s’épanouir au sein de sa pureté azurée ; et par moments, il me semblait que le bramement du renne parvenait jusqu’à mon oreille. On voyait d’épaisses nuées de courlis dirigeant leur vol vers le sud ; des milliers d’alouettes et d’oiseaux chanteurs fendaient les airs ; et je me disais, en les regardant : Que n’ai-je aussi des ailes pour m’envoler vers mon pays et ceux que j’aime !