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disais : Oui, c’est là et ce sera toujours pour moi la plus haute jouissance à laquelle il me soit donné d’atteindre.

Cependant, lecteur, n’allez pas croire que l’enthousiasme avec lequel je poursuivais la satisfaction de mes goûts favoris, fût en moi un obstacle à l’admission de sentiments plus délicats. La nature, qui avait tourné mon jeune esprit vers les fleurs et les oiseaux, réclama bientôt ses droits sur mon cœur. Qu’il me suffise de vous dire que depuis longtemps celle que j’aimais m’a rendu heureux en me donnant le titre d’époux… Et maintenant, si vous le permettez, passons ; car qui se soucie d’entendre les radotages amoureux d’un naturaliste, dont on peut supposer les sentiments aussi légers que les plumes mêmes que sa main dessine ?

Pendant une période d’une vingtaine d’années ma vie fut une succession de vicissitudes. J’essayai diverses branches de commerce ; mais aucune ne me réussit, sans doute parce que mon esprit tout entier était rempli par ma passion de courir et d’admirer ces productions de la nature, desquelles je recevais mes joies les plus vives. J’avais à lutter contre le mauvais vouloir de ceux qui, dans ce temps-là, s’appelaient mes amis, en en exceptant toutefois ma femme et mes enfants. Les observations de mes autres amis m’irritaient outre mesure. Enfin, rompant tout lien, je m’abandonnai sans réserve à mon penchant. Aux yeux de personnes ne comprenant pas le désir extraordinaire qui me possédait alors de voir et de juger par moi-même, je devais évidemment passer pour un individu rebelle à tout sentiment de devoir, et sans égard pour les inté-