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pressaient à la curée, tandis que des aigles et des faucons de différentes espèces se précipitaient du haut des airs pour les supplanter, ou du moins prendre leur part d’un aussi riche butin.

Alors, eux aussi, les auteurs de cette sanglante boucherie, commencèrent à faire leur entrée au milieu des morts, des mourants et des blessés. Les pigeons furent entassés par monceaux ; chacun en prit ce qu’il voulut ; puis on lâcha les cochons pour se rassasier du reste.

Si l’on ne connaissait pas ces oiseaux, on serait naturellement porté à conclure que d’aussi terribles massacres devraient bientôt avoir mis fin à l’espèce ; mais j’ai pu m’assurer, par une longue observation, qu’il n’y a que le défrichement graduel de nos forêts qui puisse réellement les menacer, attendu que, dans la même année, ils quadruplent fréquemment leur nombre, ou tout au moins ne manquent jamais de le doubler. En 1805 j’ai vu des schooners, ayant une cargaison complète de pigeons pris au haut de la rivière Hudson, venir les décharger aux quais de New-York, où ils se vendaient un cent la pièce[1]. En Pensylvanie, j’ai connu un individu qui en prit près de cinq cents douzaines dans une tirasse, et en un seul jour ; il en balayait quelquefois vingt douzaines et plus d’un même coup de filet. Au mois de mars 1830, ils étaient si abondants sur les marchés de New-York, qu’on en rencontrait par tas dans toutes les directions. Aux salines des États-Unis, j’ai vu des nègres fatigués d’en tuer pendant des

  1. Un centième de dollar ou environ 5 centimes de France.