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plein d’une magnifique épouvante. Les oiseaux se précipitaient par masses et se posaient où ils pouvaient, les uns sur les autres, en tas gros comme des barriques ; puis les branches, cédant sous le poids, craquaient et tombaient, entraînant par terre et écrasant les troupes serrées qui surchargeaient chaque partie des arbres. C’était une lamentable scène de tumulte et de confusion. En vain, aurais-je essayé de parler, ou même d’appeler les personnes les plus rapprochées de moi. C’est à grand’peine si l’on entendait les coups de fusil ; et je ne m’apercevais qu’on eût tiré, qu’en voyant recharger les armes.

Personne n’osait s’aventurer au milieu du champ de carnage. On avait renfermé les porcs, et l’on remettait au lendemain, pour ramasser morts et blessés ; mais les pigeons venaient toujours, et il était plus de minuit, que je ne remarquais encore aucune diminution dans le nombre des arrivants. Le vacarme continua toute la nuit. J’étais curieux de savoir à quelle distance il parvenait, et j’envoyai un homme habitué à parcourir les forêts. Au bout de deux heures il revint et me dit qu’il l’avait distinctement entendu à trois milles de là. Enfin, aux approches du jour, le bruit s’apaisa un peu ; et longtemps avant qu’on ne pût distinguer les objets, les pigeons commencèrent à se remettre en mouvement dans une direction tout opposée à celle par où ils étaient venus le soir. Au lever du soleil, tous ceux qui étaient capables de s’envoler avaient disparu. C’était maintenant le tour des loups, dont les hurlements frappaient nos oreilles : renards, lynx, couguars, ours, ratons, opossums et fouines bondissant, courant, rampant, se