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atteindre, même avec la plus forte carabine ; et les coups qu’on tirait après eux ne les effrayaient pas le moins du monde. Je renonce à vous décrire l’admirable spectacle qu’offraient leurs évolutions aériennes lorsque, par hasard, un faucon venait à fondre sur l’arrière-garde de l’une de leurs troupes : tous à la fois, comme un torrent et avec un bruit de tonnerre, ils se précipitaient en masses compactes, se pressant l’un sur l’autre vers le centre ; et ces masses solides dardaient en avant en lignes brisées ou gracieusement onduleuses, descendaient et rasaient la terre avec une inconcevable rapidité, montaient perpendiculairement de manière à former une immense colonne ; puis, à perte de vue, tournoyaient, en tordant leurs lignes sans fin qui représentaient la marche sinueuse d’un gigantesque serpent.

Avant le coucher du soleil, j’atteignis Louisville, éloignée de Harsdenbourg de cinquante-cinq milles ; les pigeons passaient toujours en même nombre, et continuèrent ainsi pendant trois jours sans cesser. Tout le monde avait pris les armes ; les bords de l’Ohio étaient couverts d’hommes et de jeunes garçons fusillant sans relâche les pauvres voyageurs qui volaient plus bas en passant la rivière. Des multitudes furent détruites ; pendant une semaine et plus, toute la population ne se nourrit que de pigeons, et pendant ce temps l’atmosphère resta profondément imprégnée de l’odeur particulière à cette espèce.

Il est extrêmement intéressant de voir chaque troupe répéter, de point en point, les mêmes évolutions qu’une