Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fouillis de joncs et de roseaux qui parfois couvrent des acres entières ! Si vous êtes vous-même chasseur, cela ne vous semblera qu’un jeu ; mais si les cercles où trônent la galanterie et la mode sont vos seules délices ; si vous n’avez de goût que pour la paisible jouissance des plaisirs champêtres, certes ! avec un pareil tableau, je n’ose guère espérer de vous faire comprendre quelle sorte de bonheur on éprouve dans une expédition de ce genre.

Nous marchions depuis une couple d’heures, quand nous commençâmes à entendre de nouveau la meute ; chacun de nous redouble d’ardeur, s’emportant à la pensée de terminer soi-même la carrière du couguar. Nous entendions quelques chiens se plaindre ; mais le plus grand nombre aboyait avec fureur. C’était le signe évident que la bête était de nouveau sur l’arbre ; et sans doute elle y demeurerait assez pour se remettre de ses fatigues. En avançant vers les chiens, nous découvrîmes le féroce animal couché le long d’une forte branche et près du tronc, sur un cotonnier des bois. Sa large poitrine était tournée de notre côté, ses yeux se fixaient alternativement sur nous et sur les chiens qui étaient au-dessous de lui et l’assiégeaient ; une de ses jambes de devant pendait inerte à son côté, et il se tenait tapi, les oreilles à ras de la tête, comme s’il croyait pouvoir échapper à nos regards. À un signal donné, trois coups partirent, et le monstre, après avoir bondi sur la branche, roula par terre, la tête en bas. Attaqué de tous côtés par les chiens, qui étaient comme des enragés, et lui-même rendu furieux, il combattit avec l’énergie du