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ma première jeunesse ! quelle sérénité de pensées, lorsque, mon attention souvent fixée pendant des heures, je contemplais en extase les œufs perlés et brillants qui reposaient dans leur conque gracieuse, tantôt au milieu d’un duvet moelleux, tantôt parmi des feuilles sèches et de petites branches, ou qui restaient exposés sur le sable brûlant, sur les rochers battus des flots, au bord de notre Océan ! Je m’habituais à les regarder comme des fleurs dans le bouton ; j’épiais, si je puis dire, leur épanouissement, pour reconnaître selon quelles lois ces yeux, par exemple, dont la nature a pourvu chaque espèce, doivent s’ouvrir, chez l’une dès la naissance, et dans l’autre rester clos quelque temps encore ; je suivais à la trace les tardifs progrès des jeunes oiseaux vers la perfection, et j’admirais la rapidité avec laquelle certains d’entre eux, même sans plumes, savaient déjà se sauver du péril et se mettre en sûreté.

Je grandissais, et mes désirs grandissaient avec moi. Ces désirs, cher lecteur, ne visaient à rien moins qu’à l’entière possession de tout ce que je voyais ; et je souhaitais passionnément de faire intime connaissance avec la nature. Cependant plusieurs années s’écoulèrent qui ne furent qu’une suite de tristes désappointements ; et pour toujours, sans doute, s’élèveront en moi de ces aspirations que rien ne pourra satisfaire ! Du moment qu’un oiseau était mort, eût-il été pendant sa vie le plus beau du monde, le plaisir de sa possession devenait pour moi presque un chagrin. Je mettais bien tous mes soins, toute mon attention à tâcher de lui