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direction, lorsqu’il nous proposa de nous mener par la traverse, au plus court ; et nous allions, cahotés tout du long et faisant de droite et de gauche de fréquents détours pour ne pas nous rompre le cou sur les monceaux de bois qui obstruaient le passage. La journée avait commencé par promettre du beau temps ; mais comme il avait gelé blanc depuis plusieurs nuits, on s’attendait à un changement prochain. Malheureusement il arriva bien avant que nous eussions regagné la route. La pluie tomba par torrents, le tonnerre grondait, les éclairs nous aveuglaient. Nous n’étions encore qu’au matin, mais la tourmente nous avait plongés dans une nuit complète, noire, effroyable. Notre voiture n’était pas couverte ; mouillés et transis, nous gardions un morne silence, avec la perspective de passer la nuit sous le chétif abri que pourrait nous procurer notre véhicule.

Que faire… ? S’arrêter ! c’était encore pis que d’avancer. Nous lâchâmes donc la bride aux chevaux, avec un reste d’espoir qu’ils sauraient nous tirer de ce mauvais pas. Tout à coup ils ralentirent leur course ; nous vîmes briller dans le lointain une faible lumière, et, presque au même instant, des chiens se mirent à aboyer. Nos chevaux, arrêtés par une haute clôture, commencèrent de leur côté à hennir, tandis que moi, j’appelais de toutes mes forces ; et nous eûmes bientôt une réponse. En même temps, une torche de pin s’agita dans les ténèbres, en s’avançant vers nous. Elle était portée par un esclave nègre qui, sans prendre le temps de nous adresser aucune question, nous recommanda de longer