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plus amoureux encore d’indépendance, recherche avec non moins d’empressement la compagnie du martinet. Souvent à quelque branche, auprès de son camp, il suspend une calebasse ; et de ce berceau ainsi préparé, l’oiseau fait sentinelle et se précipite, pour garantir de l’attaque du vautour, les peaux de daim ou les pièces de venaison qu’on a exposées à l’air pour sécher. L’humble esclave des États du Sud se donne encore plus de peine, afin que rien ne manque à l’oiseau favori : la calebasse est proprement vidée et attachée à l’extrémité flexible d’un roseau qu’il a été chercher dans le marais voisin, et qu’il a planté auprès de sa hutte. Hélas ! ce n’est là, pour lui, qu’un souvenir de la liberté qu’il connut autrefois ; et, au son de la corne qui l’appelle au travail, en disant adieu au martinet, il ne peut s’empêcher de songer que, lui aussi, il serait bien heureux, s’il pouvait, sans maître et sans entraves, se livrer à la joie et gambader tout le jour ! À la campagne, presque chaque taverne a, sur le haut de son enseigne, sa boîte aux martinets ; et j’ai remarqué qu’en général, plus la boîte est belle, meilleure est l’auberge elle-même.

Toutes nos villes ont aussi de ces boîtes ; et l’on peut dire que le martinet est vraiment un oiseau privilégié, puisque même les enfants maraudeurs ne cherchent pas à le troubler. Il glisse tranquillement le long des rues, en gobant par-ci par-là quelque moucheron ; s’accroche sous les gouttières, jette un regard curieux dans l’intérieur des maisons, en se balançant sur ses ailes devant les fenêtres ; ou bien il s’élève haut au-