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INTRODUCTION ET DÉDICACE.

je ne dis pas de l’amitié seulement, mais presque du délire, qui pour toujours accompagnerait mes pas dans la vie. — Et maintenant encore, plus que jamais, je reconnais le pouvoir de ces impressions de l’enfance. — Elles avaient si bien pris possession de moi, que quand il fallait quitter mes bois, mes prairies et mes ruisseaux, quand on me retranchait la vue de l’immense Atlantique, je devenais insensible à tout autre amusement plus en rapport avec mon âge. À mon imagination il fallait des compagnons aériens ; aucun toit ne me paraissait plus solide que la voûte épaisse du feuillage, retraite habituelle des tribus emplumées, ou que les cavités et les fissures des rocs massifs dans lesquelles le cormoran, aux ailes sombres, et le courlis venaient chercher le repos, et souvent un abri contre les fureurs de la tempête. Ordinairement mon père m’accompagnait dans mes courses, et se faisait un plaisir de me procurer des fleurs et des oiseaux, m’apprenant à admirer les mouvements élégants de ceux-ci, leur plumage éclatant et soyeux, les signes par lesquels ils manifestent leurs sentiments de jouissance et de crainte ; en même temps que les formes toujours parfaites, non moins que la splendide parure de celles-là. Alors mon précepteur bien-aimé se mettait à me parler du départ et du retour des oiseaux avec les saisons ; à me décrire les lieux qu’ils préfèrent, et, ce qui est plus étonnant que tout le reste, leurs changements de livrée. Et c’est ainsi qu’il excitait en moi le désir de les étudier, et qu’il élevait mon âme vers leur puissant créateur.

Quels plaisirs vivifiants brillaient sur ces jours de