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de la route. J’armai mon fusil à deux coups, qui ne me quitte jamais, et m’approchai tout doucement et avec précaution. Lui, sans peur, il m’attendait, me regardant d’un œil intrépide. Je tirai, et il tomba. Avant que je n’eusse eu le temps de le ramasser, il était mort. Avec quel délice je contemplai le magnifique oiseau. Non ! le plus beau saumon ne lui avait jamais fait autant de plaisir qu’il m’en faisait à moi-même. Je courus et le présentai à mon ami, avec un sentiment d’orgueil que comprendront ceux-là seulement qui, comme moi, dès leur enfance, se sont dévoués à de telles conquêtes et y ont trouvé leurs premiers plaisirs, mais que les autres traiteront de niaiserie et d’enfantillage. Le docteur, qui était un chasseur expérimenté, examina l’oiseau d’un œil très satisfait, et m’avoua franchement qu’il ne l’avait jamais vu et même n’en avait jamais entendu parler.

Le nom que j’ai choisi pour cette nouvelle espèce d’aigle, « l’oiseau de Washington », pourra paraître à quelques-uns trop ambitieux et peu convenable. Mais comme c’est incontestablement le plus noble oiseau de son genre qui jusqu’ici ait été découvert aux États-Unis, je me suis cru autorisé à l’honorer du nom d’un personnage plus noble encore, d’un homme qui a été le sauveur de son pays et dont le nom lui sera toujours cher. À ceux qui seraient curieux de connaître mes raisons, je dirai seulement que, le Nouveau Monde m’ayant donné le jour et la liberté, le grand homme qui assura son indépendance est près de mon cœur. Il eut une noblesse d’esprit, une générosité d’âme, telles