Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/155

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Dans une fiévreuse attente, je m’assis à cent pas environ du pied du roc. Jamais le temps ne m’avait paru plus long. Je ne pouvais contenir l’impatience de mon excessive curiosité. J’espérais, et quelque chose me disait tout bas, que c’était bien réellement le nid d’un aigle de mer. Deux longues heures s’étaient écoulées, et aucun des vieux ne paraissait ; enfin, la présence de l’un d’eux nous fut annoncée par un fort sifflement des deux petits, qui rampèrent jusqu’à l’entrée du trou pour recevoir un beau poisson. J’avais une vue parfaite du noble oiseau, tandis qu’il se tenait sur le bord du roc, laissant pendre, comme l’hirondelle, sa queue étalée et ses ailes ouvertes en partie. Je tremblais qu’un mot n’échappât à mes compagnons ; le moindre murmure de leur part eût été trahison. Heureusement ils entrèrent dans mes idées et, bien que ne prenant qu’un médiocre intérêt à cette scène, ils se mirent à regarder avec moi. — Quelques minutes après, l’autre arrivait également au nid, et à la différence de taille (la femelle des oiseaux rapaces étant de beaucoup la plus grosse) nous reconnûmes que c’était la mère. Elle apportait aussi un poisson ; mais plus prudente que le mâle, elle jeta son regard vif et perçant aux alentours, et de suite s’aperçut que sa demeure était découverte. Elle laissa tomber sa proie, d’un cri rauque et retentissant, donna l’alarme au mâle et, planant avec lui au-dessus de nos têtes, ne cessa de pousser des cris de colère, en nous menaçant, pour nous détourner de nos desseins suspects. Cette vigilante sollicitude, je l’ai toujours trouvée particulière aux