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rien. — Ici le chasseur fit une pause et reprit haleine. Le récit de son malheur semblait l’avoir épuisé. Sa femme nous demanda si nous ne voudrions pas un bol de lait, et sa fille en ayant apporté, nous en bûmes chacun une gorgée.

Maintenant, dit-il, je puis continuer : Vers le matin, bien que la chaleur n’eût pas diminué, la fumée semblait moins épaisse, et des bouffées d’air frais arrivaient de temps en temps jusqu’à nous. Quand le jour fut venu, tout était calme ; mais l’air restait rempli d’une fumée plus âcre et plus insupportable que jamais ; nous étions, à présent, suffisamment rafraîchis, et même nous frissonnions, comme dans un accès de fièvre ; il fallait songer à sortir de l’eau. Nous nous dirigeâmes vers une cabane en feu où nous pûmes nous réchauffer. Qu’allait-il advenir de nous ? Je n’en savais rien. Ma femme serrait l’enfant contre son sein et pleurait amèrement. Mais Dieu nous avait préservés au pire du danger, et maintenant que les flammes étaient passées, je crus qu’il y aurait de l’ingratitude envers lui à nous abandonner à un lâche désespoir. La faim, de nouveau, nous pressait, mais on y remédia facilement : quelques daims encore étaient demeurés plongés dans l’eau jusqu’au cou ; j’en tuai un ; on en fit rôtir quelques grillades, et après les avoir mangées, nous nous sentîmes grandement fortifiés.

Cependant nous ne pouvions plus apercevoir l’éclat de l’incendie ; mais le sol, en beaucoup d’endroits, était toujours brûlant, et il eût été dangereux de s’aventurer parmi les arbres amoncelés comme autant de