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les daims qui sautaient en troupes devant nos pas, comme sentant, non moins bien que nous, la mort qui s’approchait rapidement.

Nous entendîmes, en avançant, le son des cornes de nos voisins, et nous savions qu’ils étaient dans la même situation que nous. L’esprit tout entier au soin de sauver nos vies, je me rappelai qu’il existait, à quelques milles de là, un grand lac où pourraient peut-être s’arrêter les flammes. Je dis à ma femme de lancer son cheval à toute bride, et nous partîmes ventre à terre, nous frayant, comme nous pouvions, un passage par-dessus les arbres renversés et les tas de fagots qu’on eût dit placés là tout exprès pour alimenter l’épouvantable incendie qui marchait à nous sur un front immense.

Déjà nous sentions la chaleur, et nous craignions de voir à chaque instant tomber nos chevaux ; sur nos têtes passait un singulier souffle de brise, et le reflet rouge des flammes effaçait en haut la lumière du jour. Je commençais à ressentir un peu de faiblesse ; ma femme était extrêmement pâle, et le feu avait rendu si rouge la figure de l’enfant, que chaque fois qu’elle se tournait vers l’un de nous, nous en éprouvions un grand surcroît d’inquiétude et de perplexité. Dix milles, vous le savez, sont bientôt faits avec de bons chevaux ; malgré cela, quand nous atteignîmes les bords du lac, couverts de sueur et n’en pouvant plus, le cœur nous manqua. La chaleur et la fumée nous étouffaient, des brandons enflammés volaient au-dessus de nous en tourbillons effroyables. Toutefois, nous nous mîmes à