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les airs, la voix dure et criarde du héron annonçait que, triste et inquiet, il dirigeait son vol vers l’intérieur de quelque marais lointain. C’était l’heure où les bois commencent à retentir des cris aigus du hibou, et la brise à se charger d’une rosée froide et pesante. Hélas ! point de lune, avec sa lumière argentée, pour éclairer cette sombre scène. Le malheureux, à bout de fatigue et de tourments, se laissa tomber sur la terre humide. La prière est toujours la consolation de l’homme, en quelque crise, en quelque danger qu’il se trouve ; le pauvre bûcheron adressa la sienne pleine de ferveur à Dieu, lui demandant pour sa famille une nuit moins triste que celle qui lui était réservée à lui-même ; puis, avec une fiévreuse anxiété, il attendit que le jour reparût.

Vous pouvez vous figurer combien lui dura cette nuit glacée, lugubre et ténébreuse. Le jour revint avec les brouillards ordinaires à ces latitudes. Aussitôt il bondit sur ses pieds et, le cœur abattu, se remit à courir, dans l’espoir d’arriver enfin à quelque objet qu’il pût reconnaître, bien qu’en réalité il sût à peine ce qu’il faisait. Il n’y avait plus aucune trace de sentier pour guider ses pas ; néanmoins, au lever du soleil, il calcula combien il avait d’heures de jour devant lui, et plus elles s’écoulaient, plus il se hâtait. Vaine espérance ! le jour se passa en efforts inutiles pour retrouver le chemin de sa cabane ; et quand la nuit revint, la terreur qui peu à peu avait envahi son âme, l’épuisement nerveux produit par la fatigue, l’angoisse et la faim, le rendirent complétement fou. Il m’a raconté