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marché trop vite et dépassé son but. En conséquence, il fit volte-face, tournant le dos au soleil, et prit une autre direction. Mais le temps se passa, et le soleil avançait dans sa carrière ; peu à peu il le vit descendre dans l’ouest, et, autour de lui, tout restait comme enveloppé d’un redoutable mystère. Les gros arbres, au vert feuillage, étendaient au-dessus de sa tête leurs bras de géants ; les hautes herbes l’enserraient de tous côtés, et, dans son chemin, pas un seul être vivant. Tout était morne et silencieux ; la scène semblait un de ces sombres et effrayants songes de la terre d’oubli ; il errait comme un fantôme, abandonné dans le pays des ombres, et sans une seule personne de son espèce à qui parler !

La position d’un homme perdu au milieu des bois est l’une des plus critiques qu’on puisse imaginer ; il faut l’avoir éprouvé par soi-même ! Chaque objet qui se présente, on croit d’abord le reconnaître ; mais plus l’esprit fait effort et se tourmente pour découvrir quelque chose et tâcher de sortir d’embarras, plus la tête se trouble et l’on s’enfonce dans son erreur. Tel était l’état du bûcheron ! Le soleil, sur le point de se coucher, avait un aspect menaçant et descendait sous l’horizon, dans sa pleine rondeur, présage d’une journée brûlante pour le lendemain ; des myriades d’insectes, tout joyeux de son départ, remplissaient l’air du bourdonnement de leurs ailes ; les grenouilles, en coassant, mettaient la tête hors de la mare bourbeuse où jusque-là elles s’étaient tenues cachées ; l’écureuil regagnait son trou, la corneille son juchoir ; et tout là-haut, dans