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t’aurai tout dit, tu penseras que j’ai raison.

Écoute : je n’ai jamais parlé de ces choses à personne. Les gens ne m’auraient pas crue et se seraient moqués de moi.

Toi, tu es ma sœur et tu m’aimes. Je suis sûre que tu ne penseras pas que je suis folle…

Quoique tu aies très peu connu mon mari, tu dois te souvenir de ses yeux qu’il avait très enfoncés et de teintes si changeantes qu’on ne pouvait jamais dire de quelle couleur ils étaient ; ainsi, plusieurs mois après mon mariage, je n’avais pu m’y habituer, et je baissais les paupières chaque fois qu’il me regardait un peu longtemps. Pourtant il était doux et affectueux, et je l’aimais.

À l’annonce de ma première grossesse, il m’entoura de soins les plus minutieux. Souvent, je surprenais un regard inquiet fixé sur moi. Je ne compris son tourment que le jour il me dit : “ Pourvu que ce soit un garçon ! ”