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MARIE-CLAIRE

Sœur Gabrielle nous sépara tout de suite. Elle dit que ma sœur était assez grande pour aller aux moyennes, tandis que moi je resterais aux petites.

Sœur Gabrielle était toute petite, vieille, maigre, et courbée ; elle dirigeait le dortoir et le réfectoire. Au dortoir, elle passait un bras sec et dur entre notre chemise et le drap, pour s’assurer de notre propreté, et elle fouettait à heure fixe, et avec des verges, celles dont les draps étaient humides.

Au réfectoire, elle faisait la salade dans une immense terrine jaune.

Les manches retroussées jusqu’aux épaules, elle plongeait et replongeait dans la salade ses deux bras noirs et noueux, qui sortaient de là tout luisants et gouttelants, et qui me faisaient penser à des branches mortes, les jours de pluie.