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MARIE-CLAIRE

taigniers, et j’avais suspendu une lanterne de chaque côté.

Quelque chose se brouilla dans ma tête ; et ce ne fut qu’au bout d’un instant que je compris que ces gros piliers noircis et délabrés par le temps étaient tout simplement les troncs des châtaigniers. En même temps je reconnus les fenêtres à petits carreaux de la grande salle que le feu de la cheminée éclairait.

Eugène compta lui-même les moutons. Il m’aida à leur faire une chaude litière de paille, et au moment où je sortais de la bergerie, il me retint pour me demander si vraiment j’ignorais ce qu’étaient devenus les deux agneaux perdus. Je fus prise d’une grande honte en pensant qu’il pouvait croire que je mentais, et je ne pus m’empêcher de pleurer en lui assurant qu’ils avaient disparu sans que je m’en fusse aperçue. Alors il m’apprit qu’il les avait retrouvés noyés dans un trou d’eau.

Je crus qu’il allait me gronder pour ma négligence. Mais il me dit doucement :

— Va vite te chauffer. Tu rapportes dans tes cheveux tout le givre de la Sologne.