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Michel était assis en face d’elles depuis un moment, lorsqu’il entendit dans le lointain un bruit de joyeuses clochettes : cela venait vers lui comme une jolie chanson ; les clochettes étaient si claires et si gaies qu’il se mit à les imiter en chantant :

« Tine, tigueline, cline, cline, cline, tigueline, cline… »

Deux hommes qui passaient sur le chemin s’arrêtèrent pour écouter, et Michel entendit l’un d’eux dire : « C’est sûrement le chaland de la reine qui vient là. » Presque aussitôt, l’enfant vit venir sur le chemin de halage deux beaux chevaux tout blancs : ils étaient complètement recouverts d’un filet dont les longues franges se balançaient jusque sous leur ventre ; leurs têtes étaient chargées de pompons remplis de piécettes d’or et d’argent, et ils marchaient sans fatigue, comme si cela eût été un amusement de tirer l’énorme chaland en faisant chanter les clochettes.

Le garçon qui les conduisait paraissait content et plein de force : il appuyait sa main sur la croupe du cheval de devant, et