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La gardienne de nuit s’approcha pour la faire taire, mais grand’mère se sauva vers une autre fenêtre. Elle se mit à cogner de toutes ses forces, comme si elle eût demandé asile aux arbres de la cour. Elle répétait d’un ton plaintif et suppliant : « Y a des loups ».

Bientôt toutes les malades furent réveillées et l’une d’elles alla chercher du secours. Deux hommes se saisirent de grand’mère et la couchèrent de force ; ils mirent deux larges planches de chaque côté de son lit et la gardienne de nuit s’installa près d’elle ; grand’mère se dressait à tout instant du fond de ses planches, comme si elle essayait de sortir de son cercueil. Pendant longtemps, elle continua de faire des signes d’appel, puis ses bras restèrent immobiles et on n’entendit plus que sa plainte lente et triste, qui disait sans relâche : « Y a des loups ! »

Cela montait comme un cri de frayeur et emplissait toute la salle. Vers le matin, la plainte se fit plus faible, on eût dit que la petite voix claire s’était usée. Elle traîna longtemps comme une plainte d’enfant, et quand le jour parut, elle se cassa en disant encore « Y a des loups ! »