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disant que sa mère avait encore de longues années à vivre et qu’elle voulait la voir bien portante.

Grand’mère ne se laissait pas convaincre, elle continuait de dire tout bas : « Emmène-moi, ma fille ».

Alors la fille se mit à dire :

— Eh bien voilà : si tu ne veux pas, je vendrai l’âne.

Et elle était partie au milieu des rires de toute la salle.

Grand’mère en était restée toute égarée, elle regardait ces femmes qui riaient. Enfin elle ouvrit la bouche comme si elle allait appeler au secours, et pendant que les rires redoublaient, elle cacha sa tête sous son drap. Toute la nuit, je l’entendis remuer ; elle ne pleurait pas, mais ses soupirs étaient longs comme des plaintes.

Au matin, quand elle aperçut la surveillante, elle lui cria.

— Je veux bien, Madame !

La surveillante la complimenta, puis ce fut le tour des internes, ils venaient l’un après l’autre s’assurer de son consentement ; à tous elle disait avec le même mouvement du front : « Oui, je veux bien ».

À l’heure où les malades ont la permission de se distraire, toutes celles qui pouvaient marcher entourèrent le lit de grand’mère.

Chacune parlait de son mal, l’une montrait un pied où il manquait trois doigts ; l’autre expliquait