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Mais elle secouait la tête en baissant le front, puis, d’une voix claire et douce, elle répondait :

— Non, je ne veux pas.

Aussitôt que les médecins avaient quitté la salle, elle se levait de son lit et s’asseyait près de la fenêtre.

Elle passait toutes ses journées à regarder les gens qui allaient et venaient dans la cour. J’étais sa voisine et j’avais souvent l’occasion de lui rendre quelque petit service. Peu à peu, elle me parla de son mal ; elle disait :

— C’est dans le ventre que je souffre, mais il y a si longtemps que j’ai fini par m’y habituer.

Alors elle regardait vers la fenêtre en ajoutant : « Je voudrais bien m’en aller d’ici ».

Ce matin là, elle était toute joyeuse parce que l’interne lui avait dit qu’on allait la renvoyer de l’hôpital. Tout en rangeant ses petites affaires, elle me raconta qu’elle était depuis peu à Paris. Son mari était mort l’année d’avant et sa fille, qui était établie à Paris, n’avait pas voulu la laisser seule au village ; elle lui avait fait vendre tout son bien, et maintenant elle vivait dans une petite boutique entre sa fille et son gendre.

Dans les premiers temps, elle était contente d’être à Paris ; puis il lui était venu un immense regret de ses champs. Elle pensait sans cesse à ces gens qui habitaient maintenant sa petite maison ; ils avaient acheté aussi les deux vaches et le cheval, il n’y avait que l’âne qu’elle n’avait pas voulu