Page:Audoux - Le Chaland de la reine, 1910.pdf/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le Fantôme 59

Angélique se leva la première et dit comme tout à l'heure :

— Il faut nous coucher.

Elles se serrèrent un peu pour passer ensemble dans la porte de leur chambre et Marie donna un tour de clé pendant que sa sœur poussait le verrou.

Elles furent bientôt couchées côte à côte, et quand Angélique eut souillé la lampe qu'elle avait mise tout près de son lit, les deux sœurs s'aperçurent que la flamme de la veilleuse n'éclairait pas comme à l'ordinaire  ; elle s'allongeait parfois comme si elle voulait sortir du verre, et les ombres qu'elle renvoyait sur les murs ne ressemblaient pas aux ombres des autres soirs. Cependant Angélique s'efforçait de respirer un peu fort comme si elle dormait tranquillement, et Marie n'osait faire le plus petit mouvement de peur de réveiller sa sœur.

Mais, jusqu'au matin, les yeux des deux sœurs guettèrent le fantôme tombé dans la maison et qui pouvait apparaître d'un moment à l'autre. Quand il fit grand jour, elles se levèrent en même temps.

En entrant dans la salle à manger, la première chose qu'elles virent, ce fut un gros paquet de linge qui était tombé de la chaise sur le parquet et que le double rideau de la fenêtre cachait à moitié.

Alors elles se regardèrent en souriant et s'embrassèrent.