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48 MARGUERITE AUDOUX


naient pas tranquillement le long des quais et sur la jetée. Tout ce monde paraissait soucieux et affairé. Des groupes d’hommes parlaient haut et discutaient sur des sommes d'argent.

Pendant que sa mère faisait déposer ses colis tout auprès du bateau, Raymond s'approcha des groupes, et à travers les appels et les discussions, il apprit que c'était le jour de la foire aux 'poulains. On ne voyait pas l'endroit où était la foire, on n’en entendait pas non plus le bruit, mais d’instant en instant, on voyait arriver sur le port une femme qui conduisait par la bride une jument et son poulain.

Parfois, plusieurs hommes suivaient derrière ; leurs vêtements étaient à peu près semblables, mais on reconnaissait tout de suite le marchand à la façon dont il surveillait de l’œil l'allure du poulain. La femme faisait avancer la jument tout au bord du quai devant le bateau, et pendant que le petit, tout inquiet, se rapprochait de sa mère, deux hommes adroits lui passaient une grossière sous-ventrière où s'accrochait une barre de bois qui lui maintenaient les jarrets ; puis on entendait sur le bateau le grincement d'une poulie, deux roues tournaient, et un câble muni d'un énorme crochet s'abaissait vers le poulain et le soulevait comme un colis.

Tous avaient le même mouvement de frayeur quand ils se sentaient soulevés de terre : leurs paupières battaient très vite, ils allongeaient leurs