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Les Poulains 47

comme dans les autres pays. De loin en loin, on voyait une vache ou un mention, le long des rochers. Il semblait à Raymond que ces bêtes étaient là comme des naufragés attendant du secours. Dès qu'elles entendaient des pas, elles levaient la tète et appelaient de leur voix de bêtes. Elles regardaient les gens aussi longtemps qu'elle. pouvaient les apercevoir, puis elles cessaient d’appeler, comme si elles comprenaient que le moment de la délivrance n'était pas encore venu.

Raymond s’était surtout attaché aux poulains qui gambadaient à travers l’île. Son préféré était un tout petit dont le poil avait des teintes roses. La veille encore, il s'était arrêté longtemps à le regarder. C'était à l'heure du soleil couchant. Le poulain galopait en faisant des grâces : il baissait et relevait la tête, comme s'il saluait le gros soleil rouge qui se couchait dans l'eau. Puis il se cabrait eu essayant de se tenir debout, ou bien il lançait ses pieds de derrière dans le vide ; ensuite, il reprenait son joli trot en traçant des cercles autour de sa mère. Mais, ce matin-la, Raymond eut beau courir le long des rochers et sur la lande, il vit les mêmes vaches et les mêmes moutons, mais nulle part il ne vit de poulains. Il ne savait à quoi attribuer cela, et il revint tout ennuyé retrouver sa mère qui l'attendait pour le départ.

En arrivant sur le port, Raymond vit tout de suite qu'il y avait autant de monde qu'un dimanche. Cependant, il remarqua que les gens ne se prome-