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38 MARGUERITE AUDOUX

sa fureur, elle retrouva tout à coup la voix pour hurler : « Elle m'a appelée œil de bique ! »

Toutes les petites tilles se mirent à rire. Seule, Yvonne ne riait pas : elle faisait tous ses efforts pour retenir les bras de Catiche qui heurtaient la couchette de fer, puis elle s'assit près d'elle pour la consoler.

Elle lui mit de force un bonbon dans la bouche en disant : « Mange donc, grosse bête », puis elle tira son crochet et se mit à faire de la dentelle. Tous les jours, ensuite, elle approchait sa chaise du lit de Catiche qui faisait toujours des difficultés pour accepter les friandises qu'elle voulait partager avec elle.

— Prête- moi ton crochet, lui dit un jour Catiche.

— Non, dit Yvonne, tu pourrais te blesser.

Catiche allongea ses bras qui ne remuaient presque plus : « Tiens, je suis guérie maintenant, puisque je peux manger toute seule ».

— Donne-le moi, reprit-elle, je veux lui piquer lui piquer l’œil pour qu'on l'appelle aussi œil de bique. Maman dit que j'ai l'œil blanc parce que je me suis piquée avec un crochet.

— Oh ! dit Yvonne, comment peux-tu être aussi méchante ?

— C’est elle qui est méchante : je ne lui avais rien fait. moi.

— C’est vrai, dit Yvonne : mais puisque tu trouves qu'elle a mal fait. pourquoi veux-tu l'imiter ?