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36 MARGUERITE AUDOUX

penser à mal, elle demanda, tout bas : «  Voyons, Catiche qu'est-ce que tu as ? »

Caliche la repoussa en ouvrant la bouche en carré pour hurler, mais aucun son ne sortit. Elle avait perdu la voix dans la dernière colère.

— .le parie que tu as faim, lui dit Yvonne.

— Oui, na, j'ai faim, souffla Catiche.

Yvonne atteignit une boîte de gâteaux secs, puis elle prit le pot au lait qui était sur la table de nuit et en remplit sa tasse.

Le premier gâteau que Caliche voulut porter a sa bouche s'en alla se promener par-dessus sa tête ; le deuxième lui passa par-dessus l'épaule. Elle était si drôle, avec sa bouche ouverte qui essayait d'attraper les bouchées qui lui échappaient qu'Yvonne ne put se retenir de rire.

Elle trempa elle-même les gâteaux l’un après l'autre et fit manger Catiche comme un petit oiseau.

Toute la boite de gâteaux y passa et plus de la moitié du pot de lait.

Les jours suivants, Yvonne continua de la faire manger à chaque repas. Catiche restait sauvage et mauvaise : aussitôt qu'elle avait mangé, elle tournait la tète de côté, et s'enfonçait sous les draps.

Personne ne venait la voir, elle ne semblait pas envier les friandises que les autres petites malades recevaient de leurs parents.

La voisine de gauche' avait neuf ans. C'était une blondinette qui avait des attaques qui la jetaient