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30 MARGUERITE AUDOUX

— Ce n'est pas parce que ce monsieur te demande en mariage que tu es forcée de l'épouser.

Mme Pélissand fit un geste vague de la main, et Marie reprit :

— Chaque fois qu'un jeune homme est venu me demander en mariage ; lu m'as défendu d'accepter...

Mme Pélissand baissa la tète.

—... quand j'ai voulu quand même me marier avec Julien, que j'aimais tant. tu m'en as empêchée, en disant que mon devoir était de ne pas t'abandonner. Tu m'as dit que la mort de mon père nous laissait dans la misère. Alors je me suis mise au travail, et j'ai refusé le bonheur, et, maintenant, je sais que mon Julien s'est lassé et en a épousé une autre ; et, aujourd'hui, tu m'apprends que tu vas me quitter pour épouser un homme que tu n'as jamais aimé et qui t'est resté étranger depuis tant et tant d'années.

Mme Pélissand avait la tète si basse que son front touchait presque sa poitrine ; on ne voyait plus que sa nuque, où la chair se séparait et formait comme deux cordes.

Marie se tut en attendant un mot de sa mère. Mais Mme Pélissand restait le front courbé et l'air têtu. Alors, Marie continua :

— Moi, j'ai fait mon devoir en restant avec toi. Feras-tu le tien en refusant ce mariage pour ne pas me laisser seule ? Voyons, maman, parle, qu'as-tu à répondre ?

Mme Pélissand se redressa un peu en répondant :